La confusion a régné dans la journée de dimanche sur le lieu ou se trouvait l'opposant sénégalais Ousmane Sonko, qui a lancé vendredi une "Caravane de la liberté" depuis la ville de Ziguinchor (Casamance, sud) vers la capitale Dakar.
Plusieurs médias locaux ont toutefois rapporté dimanche soir que le leader de Pastef, annoncé "introuvable" il y a quelques heures par son parti, a été conduit par les forces de l'ordre de la ville de Kafrine (centre ouest) et déposé chez lui à la Cité Keur Gorgui à la capitale Dakar.
L'information a été confirmée de source officielle.
Le ministre de l'Intérieur, Antoine Diome, a déclaré, dans un entretien accordé à la chaine de télévision publique RTS, que cette opération entre dans le cadre des "prérogatives de l'État de maintenir l'ordre public et de préserver la sécurité des personnes et des biens". "Il y a eu mort d'homme à Kolda, est-ce que l'Etat va rester les bras croisés (...) la réponse ne peut être que négative", a dit le ministre sénégalais à la télévision publique.
Il a fait valoir que M. Sonko aurait dû faire une demande d'autorisation préalable avant d'organiser ce qu'il a appelé une "caravane de la liberté".
"On a pu de ce fait encadrer le leader du (parti) Pastef jusqu'à son domicile (à Dakar) où il a été déposé", a-t-il dit, notant que des armes avaient été trouvées dans le véhicule transportant M. Sonko.
Ousmane Sonko, candidat déclaré à la présidentielle, mais menacé d'inéligibilité par des affaires judiciaires qu'il dénonce comme un "complot de l'Etat", a entrepris vendredi dans le sud du pays une caravane de retour vers la capitale Dakar, ou se tiendra jeudi prochain son procès pour "viols présumés" et menace de mort" sur une femme.
Le convoi de Sonko parti de Ziguinchor a drainé des foules de jeunes supporteurs enthousiastes et été émaillé de heurts entre jeunes et forces de sécurité. Une personne est décédée, samedi à Kolda, alors que la "Caravane de la Liberté" était de passage dans la capitale du Fouladou.
Son parti Pastef avait publié dimanche un communiqué dans lequel il annonce que "le président Ousmane Sonko est introuvable et injoignable depuis plusieurs heures", soulignant que le parti se réserve "de réagir face à toute atteinte à son intégrité physique, son emprisonnement ou son assignation à résidence".
Samedi, le ministre de l'Intérieur a rappelé à l'opposant "l'obligation de déclaration préalable" de sa "Caravane de la Liberté" lancée vendredi depuis la ville de Ziguinchor vers la capitale Dakar.
"Il nous a été donné de constater, ce vendredi 26 mai 2023, que le président du parti PASTEF a lancé une « caravane » depuis Ziguinchor avec pour destination Dakar, en passant par différentes régions du pays", avait déclaré le ministre de l'intérieur, samedi dans un un communiqué, en rappelant les obligations réglementaires liées à la tenue de telles caravanes conformément à l'article 96 du Code pénal.
"Le Ministre de l'Intérieur rappelle que les caravanes sont considérées comme des cortèges et sont donc soumises à l'obligation de déclaration préalable, conformément à l’article 96 du Code pénal", a précisé Antoine Diome dans son communiqué.
"Par conséquent, le Ministre de l’Intérieur insiste sur l’impératif de respecter cette formalité et demande à tous les organisateurs de cortèges, défilés, caravanes, rassemblements de personnes et, d’une manière générale, toute manifestation sur la voie publique de s’y conformer", note le texte.
Le ministre assure en outre que "dans tous les cas, les autorités compétentes prendront toutes les mesures nécessaires pour préserver l’ordre public et la quiétude des citoyens."
Sonko dénonce son procès pour ''viols" comme un complot du pouvoir pour l'écarter de la présidentielle 2024. Il a dit vouloir transformer son retour à Dakar en "caravane de la liberté".
La chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar, qui a siégé en son absence mardi dernier, doit rendre son verdict le 1er juin dans ce procès ouvert en 2021.
Sonko risque de perdre son éligibilité, déjà compromise par une condamnation récemment à six mois de prison avec sursis en appel pour "diffamation" et "injures publiques" contre le ministre du tourisme et des loisirs.
Le gouvernement sénégalais dément toute instrumentalisation de la justice et affirme qu'il s'agit d'une "affaire privée". Il a prévenu avant le départ de Sonko de Ziguinchor qu'il ferait respecter l'ordre "quoi qu'il en coûte" et mis en garde aussi contre les fauteurs de troubles.
"Quoi qu'il en coûte, l'ordre public sera maintenu", avait déclaré à la presse le porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana.
"Nous ne laisserons personne, personne, troubler l'ordre public et la quiétude des Sénégalais", a ajouté le responsable sénégalais.
Le 23 mai, le procureur Abdou Karim Diop a requis la condamnation de Sonko à dix ans de réclusion pour viols, ou au minimum à cinq ans de prison pour "corruption de la jeunesse", ainsi qu'un an de prison pour les "menaces de mort" qu'il aurait proférées contre la plaignante Adji Sarr, 23 ans, employée du salon Sweet Beauté, basé à Dakar. La jeune femme a maintenu au procès que Sonko avait abusé d'elle -"cinq fois"- entre 2020 et début 2021 et l'avait menacée de mort si elle parlait.
Le procureur, Ndeye Khady Ndiaye, a indiqué que la propriétaire du salon où travaillait Adji Sarr, a confirmé que «Ousmane Sonko était un client régulier qui venait en cachant le visage», notant que «les faits de viol reprochés à Ousmane Sonko ne souffrent d’aucun doute». De plus, il a été souligné que Sonko a catégoriquement refusé de se soumettre à un test ADN qui aurait pu apporter des éléments de clarification à la situation.
En mars 2021, l'interpellation de Sonko lors de son déplacement en cortège jusqu'au tribunal où il était convoqué, alors que l'affaire de viols présumés venait d'éclater, a contribué à déclencher plusieurs jours d'émeutes au Sénégal qui ont fait au moins une douzaine de morts.
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